Coupe du monde de la bêtise humaine

Numéro 116

Mars 2003

8,00

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Mars-avril 2003 : la finale a lieu à Bagdad, ville-berceau de l'humanité aux 5.000 ans d'histoire, entre une équipe locale dirigée par un dictateur local et une équipe internationale dirigée par un conquérant international.

Bien avant le match, l'arbitre Monsieur Nationzuni a été éliminé et les règles du jeu ont  été truquées puis imposées par décision unilatérale de l'équipe internationale.

L'équipe locale ne compte qu'un joueur de renom, son gardien en même temps capitaine et entraîneur un dénommé Hussein. Une sorte de fou du pouvoir, qui élimine systématiquement tout ce qui peut nuire à sa carrière sportive. Ses joueurs, quoique pauvres alors que lui est extrêmement riche, lui sont entièrement dévoués. Son équipe est arrivée en finale après avoir écrasé l'équipe Kurde et battu l'équipe d'Iran.

L'équipe internationale est dirigée par un ancien alcoolique du nom de Bush et reconverti dans les sports de combat. Lui aussi cumule les postes de joueur, capitaine et entraîneur. Il a recruté ses joueurs dans les régions pauvres et aussi dans les pays riches comme l'Australie ou l'Angleterre. Lui aussi est extrêmement riche et n'hésite pas à truquer des élections pour atteindre le pouvoir. À lui aussi, ses joueurs sont entièrement dévoués particulièrement son ramasseur de balles un Anglais nommé Blair. Son équipe est arrivée en finale après avoir écrasé l'équipe d'Afghanistan et battu l'équipe d'Éthiopie.

Les règles sportives ne pouvant plus être appliquées, malgré des protestations et des manifestations dans le monde entier, ce n'est même plus la loi de la jungle, mais pire, celle de la plus grande sauvagerie qui va s'imposer. Ne parlons pas des devoirs du Soldat ni des codes de la Chevalerie, plus rien n'a cours.

Toutes les télévisions de la planète sont présentes pour retransmettre le match en direct. Les commentateurs ont pris position pour l'une ou l'autre des équipes et à l'image des deux dictateurs, n'hésitent pas, pour faire de l'audience, à inventer des fausses preuves, à lancer des accusations infondées, à faire des pronostics insidieux.

En fait, en raison de l'absence de tout repère de civilisation, ce terrain de jeux est devenu un vrai champ de bataille avec de vrais guerriers et si le ballon a été remplacé par un bidon de pétrole, les coups de pied sont devenus des coups de canon, les coups de tête des bombes à fragmentation.

Ainsi, les êtres dits humains de la planète terre, ont pu voir en direct, un mois durant,  les blessures comme la mort de certains joueurs, ont pu assister à la tuerie des quelques spectateurs innocents, à la destruction des tribunes, au pillage des vestiaires et surtout à l'anéantissement de l'équipe locale par l'équipe internationale.

Le vainqueur a remercié Dieu, pris possession des lieux et déjà s'attaque à d'autres équipes locales. Car, dit-il, si je ne suis pas le Maître du monde, il faudra encore l'an prochain rejouer une finale.

Des poètes, s'il le faut on en trouvera dans chaque camp pour vanter les mérites de l'un ou de l'autre de ces conquérants-fous de Dieu et ceci en échange de quelques pétro-dollars.

La poésie elle-même peut succomber sous les bombes. Mais l'homme, celui qui évolue du Cro-magnon au bionique, celui qui possède encore un brin de cervelle, celui qui vous écrit comme celui que vous êtes, se doit de croire en l'avenir de l'humanité. Si aujourd'hui la bêtise triomphe, fatalement demain l'intelligence l'emportera, et avant la fin du siècle on cultivera des roses dans les jardins d'enfants de Bagdad où pour l'instant des sauvages y enterrent d'innocentes victimes civiles.

 

André Desforges