On a eu chaud

Numéro 119

Octobre 2003

8,00

Catégorie :

L'été 2003, avec ses records de chaleur sans interruption de juin à septembre, restera dans les annales de l’histoire de France, comme celui d'un été meurtrier. Quelque 14.000 morts officiellement, 20.000 et peut-être plus officieusement !

La tragédie s'est terminée par une grande mise en scène publique, pour l'enterrement d'une charretée d'indigents en présence de M. le Maire de Paris et M. le Président de la République lui-même. Il ne manqua ce jour-là que la télé‑réalité pour nous infliger, en direct, des larmes de crocodile sur le visage de nos altesses.

La seule bonne nouvelle pour l'économie du pays est que tous ces petits vieux et toutes ces petites vieilles qui creusaient le trou de la Sécu, en abusant des médicaments ou des visites à domicile, sont maintenant eux-mêmes au trou. Parmi les victimes de la canicule, y'avait‑il un poète ? Non, puisque ni les télés, ni les radios, ni les journaux n'ont signalé la moindre disparition d'un trouvère ou d'un troubadour. Impossible donc de se remonter le moral en chantant : "Quand il est mort le poète...".

La meilleure façon de narguer la mort est dit‑on de manier l'humour noir, et c'est bien le ton de cet édito ! Car, à quoi sert de s'insurger contre nos dirigeants ? Ils n'étaient pas au courant, ils étaient en vacances, au frais et les pieds dans l'eau. D'ailleurs, pourquoi s'inquiéter puisque comme le prouvent les statistiques, en été, on ne meurt pas plus dans les pays chauds que dans les zones dites tempérées. Tenez, prenons l'exemple de l'Irak (50° à l'ombre à Bagdad), ce ne sont pas des vieux qui succombent mais de jeunes "touristes" de 20 ans américains ou anglais. C'est ben vrai, on le voit tous les jours et en direct à la télé ! Pourtant, ces jeunes portent un casque antisoleil et sont protégés par une tenue de campagne. Va comprendre Charles !

On a eu chaud !

Et c'est pas fini. "L'automne sera chaud" annoncent les responsables syndicaux (preuve qu’eux aussi, ils ont l'humour noir facile !). Et l'hiver comment sera‑t‑il ? D'après certains météorologues pronostiqueurs, on risque d'atteindre des maxima ! Ça va être chaud, on vous le redit !

En résumé, vive le printemps. Mais en raison des futures élections régionales, européennes, les mois d'avril ou de mai risquent d'être très chauds !

Pauvres p'tits poètes que nous sommes, nous les voleurs de feu, nous voici cernés par le soleil ! Bah ! Pas d'inquiétude, une fois de plus nous marcherons au-devant des flammes, nous danserons dans des cercles de lumière, nous chanterons sur les parvis des cathédrales. Permanents intermittents du Verbe et de la Parole... nous saurons nous acclimater !

 

André Desforges